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Incapacité de travail en Belgique. Indemnisation dès le premier jour.

19/04/2021 (Source Moniteur Belge - Ch. des rep.)

Proposition de loi modifiant l’arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant une assurance indemnités et une assurance maternité en faveur des travailleurs indépendants et des conjoints aidants, visant à prendre en compte le premier jour d’arrêt effectif de l’incapacité de travail (déposée par M. Gilles Vanden Burre et Mme Evita Willaert)

Résumé :

La présente proposition de loi fait suite à la réforme en matière de jours de carence pour les travailleurs indépendants.

Cette réforme a apporté des améliorations en faveur des indépendants : lorsque l’incapacité de travail dure plus de sept jours, l’indépendant a, en principe, le droit d’être indemnisé pour l’entièreté de cette période.

Cependant, cette réforme pose problème car, lorsque l’indépendant malade ne fait pas les démarches dès le premier jour, par ignorance, suite à un cas de force majeure ou d’autres difficultés, ou parce qu’il estime dans un premier temps que son arrêt-maladie devrait

être de courte durée, il n’est pas possible pour l’organisme assureur de régulariser a posteriori la situation.

Les auteurs estiment une telle situation anormale et adaptent donc la réglementation afin de permettre une telle régularisation.

Proposition de loi :

Article 1er : La présente loi règle une matière visée à l’article 74 de la Constitution.

Art. 2 : Dans l’article 58 de l’arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant une assurance indemnités et une assurance maternité en faveur des travailleurs indépendants et des

conjoints aidants, modifié en dernier lieu par l’arrêté royal du 18 mars 2020, l’alinéa 2 est abrogé.

Art. 3 : Un an après la publication de la présente loi au Moniteur belge, le Comité de gestion visé à l’article 86, § 3, alinéa 3, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités procède à une évaluation de la loi du 22 mai

2019 modifiant l’arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant une assurance indemnités et une assurance maternité en faveur des travailleurs indépendants et des conjoints

aidants, en vue de supprimer la période de carence. L’évaluation porte également sur l’application de l’article 2 de la présente loi. Cette évaluation est transmise à la Chambre des représentants.

Dans le délai énoncé à l’alinéa précédent, par dérogation à l’article 86 § 3, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l’assurance obligatoire soins de santé et

indemnités, le Roi s’abstient d’adopter, sur la base de cette disposition, toute règle de nature à rendre inopérante l’évaluation prévue à l’alinéa 1er.

13 mars 2020

Gilles VANDEN BURRE (Ecolo-Groen)

Evita WILLAERT (Ecolo-Groen)

Développement des arguments :

Développement :

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition reprend, en l’adaptant, le texte de la proposition DOC 55 1365/001.

La loi du 22 mai 2019 [1] a réformé le régime des périodes de carence pour les travailleurs indépendants, réforme en vertu de laquelle, depuis le 1er juillet 2019, les indépendants dont l’incapacité de travail dure plus de 7 jours bénéficient d’une indemnité journalière pour l’ensemble de leur période d’incapacité de travail.

Cette indemnité est due à partir du huitième jour d’arrêt de travail pour cause d’incapacité de travail et a un effet rétroactif, c’est-à-dire que le montant est perçu pour l’intégralité de la période d’incapacité, et ce depuis le premier jour d’arrêt de travail.

Cela constitue une étape importante dans la construction d’un statut social fort pour les indépendants et la réduction de la discrimination qui prévalait entre les

travailleurs indépendants et les travailleurs salariés; la rémunération des salariés est en effet garantie dès le premier jour d’incapacité de travail. Cela répond également à une demande forte des indépendants: en mai 2017, il ressortait d’une enquête de l’Union des Classes

Moyennes (UCM) que la remise en cause du mois de carence était l’une des priorités des indépendants. Il en va de même pour le Syndicat neutre des indépendants qui en faisait l’une de ses priorités.

La réforme précitée de 2019, au stade du travail en Commission de l’économie, en février 2019, a vu l’adjonction d’une dispositif visant à éviter les abus: l’incapacité de travail donnera droit à une indemnité pour toute période d’incapacité de 8 jours et plus, sans que

cette période ne puisse commencer à une date antérieure au constat de l’incapacité par le certificat médical.

Le nouvel alinéa introduit à l’article 53 de l’arrêté royal du 20 juillet 1971, par la loi précitée du 22 mai 2019, ne permet plus de demander une indemnité avec effet rétroactif (déclaration tardive).

Cet alinéa a été supprimé par l’arrêté royal du 18 mars 2020 modifiant les articles 53 et 58 de l’arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant une assurance indemnités et une assurance maternité en faveur des travailleurs indépendants et des conjoints aidants. Un dispositif

équivalent a été inséré à l’article 58, alinéa 2 de l’arrêté royal du 20 juillet 1971 précité.

L’objectif initial visait un contrôle efficace: “Un mécanisme de contrôle est également prévu afin d’éviter que l’incapacité de travail puisse être invoquée rétroactivement. L’incapacité de travail ne peut commencer qu’à partir de la date à laquelle elle a été constatée par un

Médecin [2]. Cela, afin d’éviter que les travailleurs indépendants, ex-post, ne demandent à un médecin d’établir un certificat d’incapacité de travail attestant du début rétroactif de l’incapacité de travail car ces périodes sont plus difficiles à contrôler et il n’existe pas d’obligation, comme pour les travailleurs salariés, d’informer un tiers, à savoir l’employeur, dans un court délai.

Depuis la mise en œuvre de cette mesure, des effets non-désirés ont cependant été constatés. Le Conseil Intermutualiste National a, dans un courrier du 9 septembre 2019 relayé par l’UCM le 11 octobre 2019, averti de la situation difficile dans laquelle certains indépendants se trouvent à cause de ce nouvel alinéa. En effet, certains indépendants ne font pas les démarches nécessaires pour être indemnisés dès leur premier jour d’incapacité

de travail, soit par ignorance de leur droit à l’assurance indemnité, soit par ignorance de ce dispositif de non rétroactivité, soit pour des raisons de force majeure ou d’autres difficultés, soit aussi parce qu’ils ne prévoyaient pas que leur état d’incapacité de travail dépasserait plus que quelques jours et qu’il aurait un tel impact sur leur activité et leurs revenus.

Avant la réforme de 2019, l’arrêté royal du 20 juillet 1971 précité permettait à l’indépendant en retard de régulariser. Ce n’est dorénavant plus possible et cela cause pour ces indépendants, parfois gravement malades, une perte de droits, tant sur le plan financier

(perte d’indemnités) que social (absence d’assimilation de périodes d’incapacité de travail).

Selon les chiffres de la mutualité chrétienne, entre le 1er juillet 2019 et le 25 février 2020, 6 609 indépendants ont débuté une période d’incapacité de travail. Parmi ces indépendants, pour 3 959 dossiers, soit 59,90 %, la date de début de la maladie attestée par le médecin est antérieure à la date de signature du médecin. Dans 2 001 cas, il s’agit d’une période de moins de 7 jours, dans 795 cas, cette période a duré entre 7 et 14 jours et dans 732 cas, entre 7 jours et un mois. La période moyenne entre les deux dates est donc de 13,9 jours. Il

s’agit majoritairement de maladies importantes liées à des problèmes psychiques, locomoteurs ou oncologiques. Le montant des indemnités ‘perdues’ par dossier introduit par les indépendants auprès de la mutualité chrétienne s’élève à 571,43 euros en moyenne (soit 13,9 jours multipliés par le taux journalier moyen de l’indemnité forfaitaire de 41,11 euros). Au total, pour les 3 959 dossiers concernés, cela représente 2 262 287 euros.

Cela réintroduit également une différence de traitement avec les salariés. La suppression de toute appréciation par le médecin traitant et le médecin conseil ne vaut pas

dans le régime général. Enfin, cette différence ne peut se justifier par un éventuel abus de la part des indépendants en matière de recours aux aides de sécurité sociale.

Durant la crise sanitaire et sociale provoquée par la pandémie de coronavirus, l’arrêté royal du 18 mai 2020 [3] a permis au médecin et à la mutuelle de reconnaître l’incapacité de travail d’un travailleur indépendant dès le premier jour effectif de l’incapacité de travail, même

si le médecin a signé le certificat plus tard. En effet, en raison des mesures de crise, il était devenu particulièrement difficile de consulter son médecin traitant dès le premier jour d’incapacité de travail. Cette mesure a été prévue du 1er mars au 30 septembre 2020.

En octobre 2020, la proposition de loi DOC 55 1365 a été adaptée par amendement pour répondre rapidement au besoin de prolonger cette mesure de crise jusqu’au

31 décembre 2020. Mais, à partir du 1er janvier 2021, une solution pérenne doit être prévue pour les indépendants, s’appuyant sur une évaluation réalisée par le Comité de gestion de l’INAMI. C’est l’objet de cette proposition de loi.

Cette proposition de loi supprime dès lors l’alinéa problématique et suit la recommandation de l’UCM visant à rendre à nouveau possible la reconnaissance de l’incapacité de travail dès le premier jour d’arrêt effectif, comme c’est le cas dans le régime général.

Elle permet dès lors de ne plus limiter le pouvoir d’appréciation qui est donné aux organismes assureurs de fixer la date de début ou de reprise de l’état d’incapacité de travail en tenant compte de tous les éléments en leur possession et notamment la date renseignée par le médecin traitant au certificat d’incapacité de travail.

Les auteurs de la présente proposition de loi insistent sur une application proportionnée de cet article et notamment sur l’existence, dans le dossier de l’organisme assureur, d’éléments objectifs (éléments liés au type de pathologie, consultations médicales antérieures,

éventuel nouveau contrôle médical par le médecin conseil, …) qui concordent avec la date renseignée au certificat lorsque cette date est effectivement antérieure à la date de délivrance du certificat. L’importance de ces autres éléments à retrouver dans le dossier dépend de la pathologie et de l’ampleur de la rétroactivité accordée.

La présente proposition de loi prévoit également une évaluation du dispositif, un an après sa publication au Moniteur belge.

L’article 3 qui prévoit cette évaluation est adapté sur base des remarques du Conseil d’État dans son avis n°67.722/2/V du 17 juillet 2020.

Documents de référence :

[1] Loi du 22 mai 2019 modifiant l’arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant une assurance indemnités et une assurance maternité en faveur des travailleurs indépendants et des conjoints aidants, en vue de supprimer la période de carence.

[2] Chambre, DOC 54 3098/006, p. 19.

[3] Arrêté royal du 18 mai 2020 suspendant temporairement, suite à la pandémie COVID-19, l'application de la condition selon laquelle la période d'incapacité de travail dans l'assurance indemnités en faveur des travailleurs indépendants et des conjoints aidants peut débuter, au plus tôt, à la date de signature du certificat d'incapacité de travail.